L’AVS n’est pas un produit financier

Samedi dernier, au marché de Lausanne, je distribuais des informations sur la réforme des retraites. Je discute avec un passant, qui me dit, à peu près en ces termes : «Je voterai contre ce projet. Je pense que chacun doit travailler le plus possible, faire fructifier ses rémunérations, tricoter son bas de laine pour ses vieux jours. Chacun est responsable de sa vie, de son travail, de sa retraite. Je ne crois pas à un système de solidarité.»

Cet homme-là, en effet, ne votera pas le projet de Prévoyance 2020, le 24 septembre prochain. Le modèle qu’il prône consiste à faire reposer les retraites uniquement sur l’épargne privée et par conséquent à les financiariser. Ce modèle existe déjà, aujourd’hui. Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, des fonds de pension se délestent auprès d’assureurs ou de réassureurs de la gestion des capitaux de prévoyance. Ces derniers endossent la responsabilité du paiement des retraites. Et pour maximiser leurs profits, ces assureurs, avec l’aide d’un indice, Life and Longevity Markets Association, rémunèrent en fonction des indications sur les taux de mortalité et de durée de vie pour les plus grands marchés de retraités des pays industrialisés. La retraite est un marché, l’espérance de vie un risque financier.

La réforme présentée à la population parie au contraire sur un produit non boursier: la solidarité. Et sur le fait que cette solidarité, adossée à un pilier individuel, doit être pérenne. Qu’elle survit aux conflits de générations, aux différences de revenus, de genres, de longévité. Aux années, aux crises financières, aux idéologies politiques. Depuis 1948, la Suisse a décidé que la vieillesse n’était pas un risque mais une étape de vie qui méritait respect et dignité et qu’il fallait par conséquent sécuriser et protéger.

Et depuis presque septante ans, l’AVS, au gré des réformes, offre à toutes et tous la garantie de pouvoir bénéficier d’un revenu pour ses vieux jours. Dans un pays comme le nôtre, libéral, fédéraliste, multilingue, aux cultures et identités multiples, l’AVS est presque un miracle, un rempart contre le repli du chacun pour soi, du région pour région, contre les clientélismes. Cela explique aussi qu’on la surveille comme le lait sur le feu et qu’on s’engage à la réformer quand elle est menacée.

Lors de cette campagne, on s’invective à coups d’exemples, on ose des métaphores douteuses, on met les gens les uns contre les autres, les riches contre les pauvres, les femmes contre les hommes, les vieux contre les jeunes, les 45-60 ans contre les 35-40 ans, les étrangers vivant en Suisse et les Suisses vivant à l’étranger, ceux qui se vantent de n’avoir pas besoin de 70 francs de plus par mois, à celles qui n’en ont que trop besoin.

Tout le contraire de l’esprit qui a présidé à la création de l’AVS ! Dimanche 24 septembre prochain, nous saurons si cet esprit est toujours aussi vivant.

Géraldine Savary, conseillère aux États

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